Féministe.

Sortie journalière

7h23. K s’est réveillé pour aller au boulot. Je me suis levée en même temps que lui pour aller acheter du café, du pain et du sirop de citron. Je préférais partir en même temps que lui, ça me donne la force, parce que si ça ne tient qu’à moi, je reste à côté de la fenêtre toute la journée, le pc sur les genoux, le joint à la main. Du coup, hop, j’ai mis mon jean est je suis descendue. Bien sûr, le magasin était fermé. Je suis allée à la boulangerie : "un platine coupé et un allongé s’il vous plaît." C’est quoi un platine ?" Petite déformation provinciale. "Bon dimanche".
Quand je suis arrivée à la porte, j’ai réalisé que je n’avais pas le bip. Je ne connais pas le code, mais heureusement, je l’ai envoyé à K sur messenger, je l’ai cherché dans la conversation et ouf. Ensuite, il faut passer le deuxième porte. Au bout de 5 minutes d’hésitation - ou 30 secondes, en tout cas j’ai hésité, j’appelle mon voisin. Promis, je vais lui chercher une bière et du chocolat bientôt parce qu’il me rend service des fois. Il ne répond pas. Bon, je sonne chez la gardienne. C’est la deuxième fois que ça arrive quand même.
Je monte, et là, pas de clé. Je redescends, je bloque la porte du couloir avec mon sac, et je vérifie par terre. Rien. Je ressors. Je re-regarde, je vois la clé, je repars dans le couloir, je la cherche, je la trouve, je remonte.
Aaah. Petite aventure matinale, ça suffit pour la journée. 8h10, j’allume l’ordi.

Hier matin, je commençais à 7h. C’était samedi. J’ai pris un café à la gare en attendant le RER. Le cafetier nous dit que l’etpe ne fonctionne pas. J’ai du mal à trouver mes pièces, je fouille et refouille mon sac, comme d’hab, encore et encore. Je trouve trois pièces de 50 centimes. A coté de moi, un monsieur commençais à rapprocher sa main de sa poche comme pour me donner quelques euros. Une fois que j’ai trouvé mes pièces, je le regarde et murmure un merci aussi perceptible que le mouvement qu’il a entamé pour m’aider. Je pars.
Sur le quai, aussi long qu’un rer, il attend à côté de moi. Je le regarde discrètement, puis au loin style : "sur tous ces mètres, c’est là que tu viens ? Qu’est-ce qu’il y a ?" Il bafoue, "100€", quoi ? Je lui demande de répéter. "Sexe". Quoi ?? ? "200 euros ?" je débloque : "Mais monsieur, il est trop tôt encore pour dire des bêtises pareilles." Il insiste sans parler fort. Je dis "1000", il hésite, je dis "5000", il comprend que je plaisante. Le RER arrive, je lui dis au revoir plusieurs fois, j’insiste, au revoir. Je m’assois dans le wagon, près de l’entrée. Lui se trouve à l’avant, au niveau des places pour les personnes à mobilité réduite. Il me regarde, je lève la tête : "Madame !", plusieurs fois. Je regarde ailleurs, je mets mes écouteurs. Il sort au même arrêt, il y a du monde, je me dirige au travail, fin de l’histoire.

Avant-hier soir, j’appelle K pour lui dire que je vais le rejoindre au travail. Je ne sais plus comment il démarre mais me voilà à me justifier de ce que je faisais : "quel collègue ?" J’avais déjà bu 4 verres. Jusque là ça va, mais il insiste quand je suis dans le métro. Je déteste me justifier en public. J’essaie de lui dire que je ne peux pas parler, il ne comprend pas, raccroche, on se rappelle etc et comme ça jusqu’à ce que j’arrive. Je suis descendue à Jaurès et comme on était au téléphone, et que je ne supportais pas de me disputer dans les couloirs du métro, je suis sortie. J’ai décidé de me balader. J’ai fini par m’assoir pour me calmer. L’anxiété sociale, c’est du sport. Puis, je suis passée par le parc des buttes Chaumont. C’était la première fois que je venais. Il était temps. Il commençait à faire sombre et le bar, A-DO-RABLE, était éclairé par des guirlandes de toutes les couleurs. On est venu dans l’herbe un peu après avec K. Aaah <3 Puis on est parti.
On croise un homme sur un banc qui commence à demander quelque chose. Je le regarde, j’écoute, : "Est-ce que vous avez..." j’hésite, "une cigarette ?" Je ralentis, "euh… Bah oui". On s’arrête. "Tu es gentille", il nous raconte des choses, je souris car il m’a complimentée et ça m’a réchauffé le cœur. Mon amoureux est mal à l’aise et méfiant au premier abord, et je crois qu’il n’aime pas quand je souris à quelqu’un comme ça. Mais l’homme tape dans le mille. Je ne sais plus ce qu’il a dit malheureusement. Puis, on se présente. Il a un mot pour K, c’est comme s’il nous connaissait. Comme s’il était devin ou doté d’une immense sensibilité, d’un discernement incroyable. Il tape dans le mille, comme s’il nous connaissait. On a croisé un sage. Il nous a encouragé. Il a dit à K d’être gentils avec moi.

Cet été est calme par rapport à celui de l’année dernière, quand on s’est rencontré. J’étais… oua. J’ai l’impression d’avoir pris 5 ans. Il est calme mais il est grand, professionnellement. Il marque mon entrée définitive dans la vie d’adulte et dans la liberté. Je fais ce que je veux. Et depuis que je fais ce que je veux, je fais quand même moins de conneries. Elle m’a tenue jusqu’ici ma mère, et elle m’a amenée loin. Maintenant, je suis prête.